Qu’Elle Aille au Diable, Meryl Streep ! (Rachid El-Daïf)

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Un couple de jeunes mariés à Beyrouth. Une belle-mère omniprésente. Une femme qui refuse souvent de s’offrir à son mari. La télévision si importante. Tentative de viol sur une voisine. La pression sociale.

Zappant devant le superbe téléviseur qu’il vient de s’offrir – ou plutôt d’offrir à sa femme –, un Libanais tombe sur le film Kramer contre Kramer et comprend, malgré son anglais approximatif, que le personnage joué par Meryl Streep est en train de quitter son mari. Cette scène le renvoie soudain à la réalité de son propre couple, dont le mariage avait été arrangé par une tante, et il s’interroge. Pourquoi son épouse va-t- elle si régulièrement dormir chez ses parents ? Censément vierge au moment de leur union, comment en sait-elle autant sur la sexualité masculine ? Quelle a été, avant leur rencontre, la vie de cette femme dont il ne sait finalement pas grand-chose et qui lui échappe chaque jour un peu plus ?

Ce mari enquête, auprès de sa tante, auprès de sa femme, de son corps aussi en la droguant à son insu. Si jamais sans doute un romancier arabe n’avait traité les questions du couple et de la sexualité d’une façon aussi directe et décomplexée, cela pose également un certain nombre de questions. Qu’en est-il des libertés, de la confiance, du respect des corps, du rôle de l’homme et de la femme dans les sociétés arabes ? Ce roman essaie de répondre à quelques une d’entre elles mais cela donne parfois la nausée : ce n’est pas tant la crudité des propos mais les réalité qu’elle impose.

Pour rester sobre : « L’homme reste un homme et la femme reste une femme. La femme doit toujours et à jamais répondre à l’homme quand celui-ci l’appelle. Elle doit lui obéir dans les moments cruciaux, même si à ses yeux de femme, cela lui coûte psychologiquement, parce que ce coût psychologique est vite récompensé quand elle voit que son époux a retrouvé sa patience, sa clémence, sa vertu. »

Le mariage apparaît comme une institution mise à rude épreuve par la modernité, qui creuse le gouffre entre les images occidentales véhiculées par les médias et la tradition. En assumant ou en feignant d’assumer cette modernité, la femme démontre à l’homme à quel point il reste incapable d’en faire autant.

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Traduit de l’arabe (Liban) par Edgard WEBER

Né au Liban en 1945, Rachid El-Daïf est professeur de langue et de littérature arabes à l’université de Beyrouth. Poète et romancier, il est l’auteur de six romans publiés chez Actes Sud : Passage au crépuscule (1992), Cher Monsieur Kawabata (1998), Learning English (2002), Qu’elle aille au diable, Meryl Streep ! (2004 et Babel n° 1005), Fais voir tes jambes, Leïla ! (2006) et Le Musicien et le calife de Bagdad (2010).


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