Nouvelles de Singapour

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Nouvelle sortie pour la collection aventureuse Miniatures chez Magellan & Cie, dédiée à Singapour.

Singapour, en Occident, évoque d’abord les riches heures de l’époque coloniale, puis l’insolent succès, depuis les années 1960, d’une place financière et commerciale devenue incontournable. En deux générations, l’indépendance acquise en 1965 sous l’impulsion de Lee Kuan Yew, a profondément transformé l’identité du « Gibraltar d’Extrême-Orient ». Le melting pot singapourien (Européens, Chinois, Malais et Indiens), ayant en partage la langue anglaise et sa culture, ne pouvait pas ne pas en venir au « storytelling ». Car cette cité-État est riche d’histoires individuelles.

Quand on pense Singapour et littérature d’hier, l’image d’Hemingway, sirotant un Singapore Sling au bar de l’hôtel Raffles sous les pales des ventilateurs, s’impose. Mais si l’on pense Singapour et littérature d’aujourd’hui, pour mieux la comprendre, alors il faut lire les auteurs de ce recueil, représentants d’une culture mosaïque en plein devenir.

De Catherine Lim, la star de la littérature singapourienne, à des auteurs plus méconnus ici, les Nouvelles de Singapour proposent plusieurs récits, certains liés au souvenir et à la mémoire, qu’elle soit individuelle ou collective, d’autres aux difficultés de langage, de génération, inégalités sociales…

Wena Poon, par exemple, excelle dans la description du ressenti de cet homme âgé, qui a suivi son fils et sa belle-fille au Canada. Expatrié malgré lui, comprenant mal l’anglais, chaque jour semble avoir son lot de mésaventures : retirer de l’argent, conduire, chaque activité anodine lui fait vivre un calvaire. Entre tradition et modernité, chinois et anglais, cet homme cultivé se sent méprisé et rabaissé quotidiennement.

Lim Thean Soo raconte l’arrivée de Jim à Singapour, 50 ans après son départ. Cet Anglais revient en effet dans la Cité-Etat pour retourner à la prison dans laquelle il a été longuement emprisonné pendant la guerre.

Catherine Lim, quant à elle, livre un récit émouvant d’une professeur face à une élève médiocre qui lui fait lire une dissertation des plus réussies sur le bonheur. Décédée suite à un accident de la route juste avant l’examen qu’elle devait passé, cette jeune fille s’impose dans son souvenir : et quand elle voit que celle-ci obtient une mauvaise note à l’examen qu’elle n’a pas passé, elle mène l’enquête.

Extrait de L’Elève Lee Geok Chan, de Catherine Lim :

« Lee Geok Chan était l’une de mes élèves en formation préuniversitaire. L’une de celles et ceux pour qui de longues heures d’étude assuraient, tout au plus, une réussite de justesse aux examens. C’était une jeune fille pâle, de petite taille, à l’air sérieux, que l’on voyait toujours avec un livre ou une liasse de notes à la main. Son père était tailleur, sa mère blanchisseuse ; il y avait trois frères et deux sœurs. Geok Chan était la deuxième de la fratrie et l’aînée des filles.

Son désir de passer l’examen, de trouver un travail et d’aider sa famille la mettait dans un état permanent de tension nerveuse, si bien qu’on la trouvait à tout moment clignant anxieusement des yeux tandis qu’elle notait mot à mot le cours d’un professeur, copiait les notes du tableau avec une application extrême, ou rédigeait une dissertation avec une concentration d’autant plus remarquable compte tenu du bruit et du laisser-aller total qui régnaient autour d’elle dans la classe… »

Toutes ces nouvelles, riches d’histoires individuelles,  font réfléchir sur le sens des origines, des échanges aujourd’hui, la mémoire, ce qui fait que nous sommes nous, la mondialisation…

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Alors que la mondialisation des échanges progresse, que le monde devient un pour tous, des mondes-miniatures s’imposent, des pays et des régions entières affirment leur identité, revendiquent leur histoire ou leur langue, réinvestissent pleinement leur espace. Quoi de plus parlant qu’une miniature, la nouvelle, pour lever le voile sur ce monde-là, celui d’une diversité infinie et porteuse d’espoir ?

Cette collection, dirigée par Pierre Astier, est publiée en partenariat avec le magazine Courrier international.


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