Le Tigre Blanc (Aravind Adiga)

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Dans les « Ténèbres », vaste région au coeur d’une Inde miséreuse et violente, chacun sait que la Shining India ne brille pas pour tous ! Balram Halwai, surnommé le tigre blanc pour son intelligence hors norme, est pourtant décidé à conquérir sa place au soleil. Immoral et cynique, il ne reculera devant aucun moyen, quitte à y perdre son âme…

Voilà comment ça commence…
« Monsieur le Premier ministre. Ni vous ni moi ne parlons l’anglais, cependant certaines choses ne peuvent se dire que dans cette langue. L’ex-femme de mon ex-employeur le défunt M. Ashok, Pinki Madam, m’a appris l’une d’elles. Et ce soir, à 23h32, il y a 10 minutes, les mots me sont venus tout naturellement à l’esprit, quand j’ai entendu la présentatrice de All India Radio annoncer: « le Premier ministre Jiabao se rendra à Bangalore la semaine prochaine. »
En vérité, j’utilise cette expression chaque fois que de grands hommes, dont vous êtes, visitent notre pays. Je n’ai rien contre les grands hommes. A ma manière, je me considère même comme l’un des vôtres. Mais, dès que je vois notre Premier ministre et les distingués acolytes se rendre à l’aéroport en limousine noire, faire des salutations – des namastés, comme on dit chez nous ) devant les caméras de télévision, et expliquer combien l’Inde est morale et angélique, je ne peux m’empêcher de prononcer ces paroles en anglais.

Car vous allez bientôt visiter notre pays, n’est ce pas, Votre Excellence ? En général, pour ce genre de nouvelles, on peut se fier à notre radio nationale.
Je plaisante, monsieur.
Ha.
C’est d’ailleurs ce qui m’amène à vous poser la question directement. Car, si vous projetez en effet de venir visiter Bangalore, j’ai des révélations importantes à vous faire. « M. Jiabao a une mission apprendre la vérité sur Bangalore », a déclaré la journaliste de radio.
Mon sang s’est figé. Si une personne connaît la vérité sur Bangalore, c’est bien moi.
« M. Jiabao souhaite rencontrer quelques entrepreneurs indiens et entendre, de leur propre bouche, l’histoire de leur réussite ».

Sur ce point, la journaliste a fourni quelques explications. Il semblerait, monsieur, que vous autres les Chinois, vous nous devanciez largement dans tous les domaines, à une seule exception: vous n’avez pas d’entrepreneurs. Or notre nation, bien que dépourvue d’eau potable, d’électricité, de système d’évacuation des eaux usées, de transports publics, d’hygiène, de discipline, de courtoisie et de ponctualité, possède des entrepreneurs. Des milliers et des milliers d’entrepreneurs. Principalement dans le domaine de la technologie. »

Né à Madras en 1974, Aravind Adiga vit à Bombay. Après son premier roman Le Tigre Blanc, couronné par le Booker Prize en 2008, et Les Ombres de Kittur, il signe Le Dernier Homme de la tour aux éditions Buchet-Chastel en 2012. Romancier avant tout, il écrit aussi pour le New Yorker, le Financial Times et le Sunday Times. Il vit à Mumbai (Bombay).

Traduit de l’anglais (Inde) par Annick Le Goyat


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