Stanley Greene – Hidden Scars (Galerie Polka)

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Après la longue exposition consacrée à Salgado, la galerie Polka expose le travail du photographe Stanley Greene.

Ancien membre du groupe révolutionnaire afro-américain The Black Panthers, ­Stanley Greene est né à New York en 1949. Il se lance dans la photographie après sa rencontre avec W. Eugène Smith, l’un des pionniers du photojournalisme. En 1989, il immortalise la chute du mur de Berlin avec sa célèbre photographie Kisses to All, Berlin Wall. Celle-ci lance sa carrière de photographe de guerre.

Stanley Greene rejoint l’agence VU’ en 1991. Emprisonné à la Maison blanche de Moscou en 1993, il risque sa vie lors de la tentative du coup d’Etat contre Boris ­Eltsine. Il réalise également des reportages dans des pays déchirés par les conflits. Le Cachemire, le Haut-Karabagh, le Liban, l’Irak, la Somalie, le Rwanda sont alors ses destinations. Il se rend en 2005 en Louisiane où il photographie le paysage dévasté par l’ouragan Katrina, de Houston à La Nouvelle-Orléans.

En 2007, il participe à la création de l’agence Noor qui affiche une ligne éditoriale pure et contemporaine, prônant un retour à l’essai photographique.

« Réveil difficile sur cette terre cruelle et grossière où Stanley Greene s’est installé dans une cohérence tragique. Au point, peut-être de ne plus voir qu’elle et de ne donner que des aperçus des espaces obscurs du monde. Le photographe a pris ses quartiers au royaume des ombres où tout ne se décline qu’en noir et blanc; impressions de gel ou de brûlure, sensation indéterminée d’un froid funeste et d’une terre calcinée.

Maître incontesté d’une certaine réalité photographique, Stanley Greene approfondit l’espace entre lui et ce monde définitivement mal fait. La boîte noire est son journal intime, l’écho d’une entreprise toujours recommencée. Faites avant tout pour lui-même, ses images ne sont destinées qu’à quelques proches. Elles peuvent échapper au regard de quiconque ne se sent pas concerné. Suites de notations fugitives, gravement consignées, elles constituent des récits dignes de nouvelles de Vassili Grossman.

Il n’est pas photographe par “métier”. Il a vu. Il a surtout vécu l’imbécillité de ce monde, la déshumanisation de l’humanité, ses grimaces et ses simagrées. Le nombre de crapules que l’on peut trouver  autour de Stanley Greene est invraisemblable. Un portrait, c’est l’histoire de personnages: chefs sinistres, combattants irréfléchis, victimes toujours innocentes, vieillards résignés, femmes à la beauté trouble. Combien de fois a-t-il posé son regard sur le sol et ses stigmates? “La terre mange l’homme et n’en fait qu’une bouchée.”

Il est un paladin moderne, le dernier à traquer et protéger la puissance de la vie. Il n’insulte pas la matière, car il l’aime et la recherche. Black Panthers, punks, au son précipité de l’appareil, il les escorte. Alors que l’on devrait s’attendre à des sonorités violentes, il nous apprend le langage photographique du silence. Si peu de gestes, que des murmures, des phrases étouffées qui forment une mosaïque d’éclats sombres juxtaposés. Mieux même, un patchwork dont les fragments délavés, par moments, nous font voir la fatalité de notre siècle.

Mais sa noble attitude, pour être tangible, ne va pas sans habileté. Il soigne sa biographie comme son apparence. Son armure faite de cuir, son casque, un simple bandeau, lui suffisent à affronter les dogmes et les stupides certitudes. Dans leur folie suicidaire, les pays où il affronte le mensonge et la crise n’ont nul besoin d’hommes libres comme lui. Dans l’insoumission à cet état de fait se glisse la croyance en une certaine vérité.

Correspondant de guerre, sûrement pas, mais présent sur le front de la crise, Stanley Greene observe, dans la position du tireur embusqué, la distance croissante entre la vérité impitoyable des faits et les mensonges des gouvernants. Une fenêtre embuée, le mouvement lourd des blindés, les treillis sales, le mouvement lent de danseurs, les châles noirs, les corps nus des femmes, l’impossible accord entre les contraires.

Pour Stanley Greene, ces similitudes aperçues et dépeintes sont moins un jugement moral sur le bien et le mal que l’affirmation d’une conscience. Ce chevalier mélancolique et sans amertume représente la ténacité de l’engagement photographique, un modèle désormais inutile et sans finalité. »

(Texte de François Cheval, conservateur en chef du musée Nicéphore Niépce)


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