Mircea Cantor Prix Marcel Duchamp 2011

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Du 3 octobre 2012 au 7 janvier 2013, en partenariat avec l’ADIAF, le Centre Pompidou invite Mircea Cantor, lauréat du Prix Marcel Duchamp 2011, à exposer dans l’Espace 315.

Figure de la nouvelle géographie de l’art contemporain, nomade, se revendiquant sans ancrage, Mircea Cantor crée des oeuvres – vidéos, photographies, dessins, sculptures et installations – à la fois minimales, poétiques et métaphysiques. En finesse, vigilantes, faites d’une matière sensible tout à la fois radicale et subtile, elles imposent Cantor sur la scène contemporaine. « Aujourd’hui, déclare-t-il, l’essentiel n’est pas de parler global, en jouant la carte des multinationales, mais de parler universel, ce qui est le contraire du global. C’est ce que la globalisation anéantit ».

À propos de ses travaux, Cantor parle aussi de « la nécessité d’incertitude » parce qu’il veut créer des oeuvres ouvertes à la multiplicité des regards, des lectures. Poreuses, elles se laissent traverser par le monde contemporain, se nourrissent du réel, des contradictions humaines à travers un procédé discursif ; une superposition de métaphores qui entrent en harmonie ou en collision. L’artiste met en jeu des mythes, des éléments de diverses cultures anciennes, sans nostalgie, mais attentif à la survivance des signes du passé dans le présent.

Pour l’Espace 315, Mircea Cantor a choisi de présenter quatre oeuvres dont les deux dernières ont été conçues spécialement pour cette exposition : Sic Transit Gloria Mundi, 2012 ; Epic Fountain, 2012, Dont’ judge, Filter, shoot, 2012 ; Wind orchestra, 2012.

Dans la vidéo Wind orchestra, 2012, qui ouvre l’exposition, on voit un enfant jouer à faire tomber un couteau en soufflant dessus ; l’enfant le redresse, pointe en haut, et recommence. Simple, répété, ce geste montre la possible domination de la vie sur la mort.

Avec Epic Fountain, 2012, trois doubles hélices d’ADN composées d’épingles de sûreté en or 24 carats soudées les unes aux autres, l’artiste s’interroge sur la notion d’humanité, soulignant sa capacité à la perpétuelle renaissance tout en insistant sur sa mutation.

Dans le film Sic Transit Gloria Mundi, 2012, littéralement « Ainsi passe la gloire du monde », une jeune femme vêtue comme une prêtresse déroule une mèche imprégnée de poudre et embrasée sur les paumes ouvertes de mendiants prosternés en cercle. Inspirée du cérémonial d’intronisation des papes, au cours duquel on brûle trois fois une mèche pour signifier au nouvel élu combien la gloire, comme la vie, sont éphémères, cette oeuvre oppose l’humilité de celui qui demande à la vanité de celui qui donne, auquel se rappelle le caractère inéluctable de la mort.

Oeuvre produite spécialement pour l’exposition, Dont’ judge, Filter, shoot, 2012, est une rosace monumentale composée de tamis de bois entrelacés. Sur leurs rebords sont fixées des balles de fusil en béton et en or. L’ensemble est accroché au mur, au centre de l’espace. Le filtre, comme le dit le titre de l’oeuvre, est une parabole de notre capacité de jugement, de discernement, décrite ici comme altérée.

Le travail de Mircea Cantor a été présenté dans le cadre d’expositions monographiques, parmi lesquelles Sic Transit Gloria Mundi, 2012 au MACRO, Museo di Arte Contemporanea à Rome, More cheeks than slaps, 2011, au Credac, à Ivry sur Seine, Tracking Happiness, 2009, au Kunsthaus Zurich ainsi que dans de nombreuses expositions collectives, parmi lesquelles TRACK, S.M.A.K., 2012, à Gand, Our magic Hour, 2011, «Yokohama Triennale», à Yokohama, The world is yours, 2009, Louisiana Museum of Modern Art, au Danemark.

Né en 1977 à Oradea en Roumanie, Mircea Cantor vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie Yvon Lambert, la galerie Magazzino di arte moderna à Rome et par la galerie Dvir à Tel Aviv.

COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION JEAN-PIERRE BORDAZ CONSERVATEUR, MUSÉE NATIONAL D’ART MODERNE
COMMISSAIRE ASSOCIÉ FRANÇOIS QUINTIN

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Entretien / Propos recueillis par Stéphanie Hussonnois-Bouhayati

Plusieurs de tes œuvres prennent pour thème le temps, son écoulement. C’est un questionnement ?
MIRCEA CANTOR – C’est le temps qui essaie de se contracter ou de se dilater selon le sujet de l’œuvre, du film. Vertical Attempt, c’est une incision dans la matière du temps, pour Traking Happiness, c’est un étirement qui abuse de son élasticité. J’essaie d’entrer dans cette épaisseur, de travailler avec cette matière. Je ne cherche jamais la narration, et d’ailleurs mes films ne sont pas faits pour le cinéma car ce temps de la narration n’y existe pas : le film commence lorsque le spectateur entre dans la pièce et s’arrête face à l’écran, et il s’achève lorsqu’il sort de l’installation.

Tu traites l’espace autant par le vide et ses silences que par le « plein » des œuvres. Ils respirent ensemble et laissent de l’espace pour le spectateur.
MC – Chaque exposition se construit comme un corps, bras, jambes… C’est très physique d’investir un espace. C’est organique. Tu parles de « respiration », je dirais plutôt « battement de cœur ». Les médiums que j’utilise sont divers et une exposition n’est qu’une séquence, mais il faut pourtant savoir livrer un ensemble qui ait un sens, du sens. L’Espace 315 au Centre Pompidou est très abordable, il s’agit juste d’être attentif à l’équilibre de la boucle qui se fait en entrant, cheminant et sortant. L’œuvre la plus importante de cet espace, au point de rencontre, est un appât, c’est une clé.

Tes œuvres mélangent la grâce et la gravité, un songe soudain puissamment critique, toujours tendu. Cherches-tu ce point de tension ?
MC – C’est la responsabilité de l’artiste, au sens où l’entend John Cage : « response ability » : une capacité à donner des réponses. Ça se construit dans la tension, c’est un moment fragile, difficile à saisir. Comme dans Deeparture (2005) lorsque le loup et la biche sont mis en présence à huis clos. Ce film dure deux minutes quarante secondes. On a le sentiment d’un arc en tension, on tire, on tire, on ne lâche pas, ou pas encore, la flèche… C’est ce moment qui m’intéresse, ce transfert de tension entre l’image et celui qui la regarde. Je me souviens d’un vernissage où les gens étaient restés silencieux devant cette pièce, on les entendait même respirer. J’étais heureux d’être parvenu à garder leur attention, à les garder en tension.


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