Fleuves Frontières : La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? (Galerie Fait & Cause)

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Évènement passé

La très intéressante galerie Fait & Cause présente les photographies de Franck Vogel à partir du 14 septembre.

 

Enquête photographique sur les fleuves frontières et la guerre de l’eau :

 

« L’idée est séduisante en ces temps où l’accès à l’eau devient une question essentielle pour l’humanité. Pourquoi le Nil, le Brahmapoutre, le Colorado et le Jourdain ? Parce que ces quatre fleuves comptent parmi les plus déterminants pour nos civilisations. « Qu’adviendra-t-il du Nil, s’interroge Franck Vogel, quand les besoins des riverains auront largement dépassé le débit du fleuve ? Combien de temps pourra résister le Brahmapoutre face à la multitude de barrages qui vont se dresser sur son parcours en Chine et en Inde ? Comment préserver le Colorado, étrillé à un point tel que ses eaux n’atteignent même plus son embouchure, dans le golfe de Californie ? Et qu’en sera-t-il du Jourdain, pressuré et souillé, alors qu’il se révèle un enjeu stratégique majeur dans les négociations de paix au Proche-Orient, région semi-aride ? » Le défi est aujourd’hui lancé ! Comme il doit l’être pour d’autres fleuves, comme le Gange, l’Amazone, le Mékong ou le Zambèze.

Fleuves Frontières - Franck Vogel
Le Colorado. États-Unis – Le barrage de Glen Canyon a bloqué les eaux du Colorado pour former le lac Powell. On y distingue des marques blanches que les Indiens Navajos appellent « les traces de baignoire ». Celles-ci révèlent à quel point le niveau d’eau a baissé ces dernières années, en raison à la fois de la sécheresse, de l’évaporation et du changement climatique. En janvier 2013, cet immense lac affichait son plus bas niveau historique.

 

L’eau, rappelons cette évidence, c’est la vie. Un bébé humain à la naissance est composé aux trois quarts d’eau, un cerveau humain adulte de 80 % d’eau ! Et plus encore pour certains animaux marins, comme les méduses. Or, contrairement aux apparences, l’eau est rare sur terre. Une mince pellicule de surface sous forme d’océan représente l’essentiel de l’eau de notre planète, le volume restant se partageant entre les nappes aquifères, les lacs, les rivières et les fleuves. Ces fleuves, précisément, sont comme des traits d’union entre les terres émergées et l’océan : ils drainent les continents et apportent tout à la mer… Ils ont, de ce fait, toujours constitué des frontières naturelles.

Fleuves Frontières - Franck Vogel
Le Colorado. Mexique, Delta du Colorado – Il y a 10 ans, le Colorado a cessé de passer la frontière mexicaine. Le fleuve est stoppé par le barrage Morelos aux États-Unis et ne parvient plus à irriguer son delta ni à atteindre la mer de Cortez.

 

Face à la démographie exponentielle de l’humanité et plus encore à son comportement irresponsable, les problèmes actuels sont bien connus : destruction des écosystèmes, des rives et des mangroves ; pollution aiguë de l’eau et des estuaires ; dissémination d’espèces exogènes envahissantes au détriment des poissons endémiques ; surpêche dans les cours d’eau et les estuaires ; enfin et surtout, dérèglement climatique qui affecte déjà le débit des eaux fluviales et provoque une remontée du niveau des mers qui noient épisodiquement estuaires et deltas. À de longues périodes de sécheresse, succèdent des précipitations intenses et des inondations dramatiques.

Fleuves Frontières - Franck Vogel
Le Jourdain. Jordanie – Inutiles échelles de crue… Le lac du barrage de Ziglab, situé sur un affluent du Jourdain, est presque à sec. Une longue sécheresse et la surexploitation du cours d’eau ont fait perdre à ce réservoir, qui alimente les plantations de Jordanie, 80 % de sa capacité en moins de quinze ans, contraignant le royaume au rationnement.

Les images de Franck Vogel constituent de précieux outils pour un scientifique. En se succédant ainsi dans le temps en séquences révélatrices, elles mettent en évidence la dynamique des écosystèmes. Qu’ils traversent l’Égypte ou l’Inde, les États-Unis ou le Proche- Orient, ces grands fleuves sont aussi d’extraordinaires frontières en géopolitique. L’homme s’y agglutine et crée des désordres considérables. Ils représentent de très menaçants socio-écosystèmes en évolution rapide. Imaginons ces mêmes fleuves il y a 12 000 ans, avec seulement quelques millions d’humains sur terre, à l’orée de la domestication animale et de l’agriculture, déroulant leurs majestueux rubans d’eau pure, à peine affectée par la boue des crues… Et regardons-les aujourd’hui : contraste ô combien saisissant ! Rien n’est perdu pourtant, il faut se battre pour un avenir soutenable, pour préserver nos fleuves, ces merveilleux témoins de l’évolution humaine.

Fleuves Frontières - Franck Vogel
Le Brahmapoutre. Inde – Pour lutter contre l’érosion, le Brahmaputra Board recrute des ouvriers qui remplissent des sacs de sable sur les bancs de sables voisins pour les utiliser sur l’île de Majuli. C’était la plus grande île fluviale du monde, mais elle a perdu en 100 ans plus de 70% de sa taille. Des milliers de maisons et de fermes ont été abandonnées. Selon les experts, d’ici 15 à 20 ans l’île est amenée à disparaître.

 

Retroussons donc nos manches et cessons ces agressions permanentes vis-à-vis de nos rivières. Interdisons toute pollution, nos cours d’eau ne sont pas des poubelles ! Développons une culture réelle de l’impact de sorte que plus aucun aménagement ne se fasse sans une réflexion approfondie sur l’évolution postérieure de l’écosystème. Ces fleuves sont nos lignes de vie, ils nous sont indispensables, comme ils l’ont toujours été pour l’humanité. Sur l’autre rive, toujours démarrait l’inconnu ! ». Gilles Bœuf.

Gilles Bœuf est biologiste, spécialiste de la biodiversité, professeur à l’Université Pierre-et-Marie-Curie, ancien président du muséum national d’Histoire naturelle et conseiller scientifique auprès de la ministre de l’Environnement Ségolène Royal.


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