Bloc-Notes SyriE

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Évènement passé

Bloc-Notes SyriE est un courte exposition présentée à la Maison d’Europe et d’Orient par Catherine Boskowitz, pour dessiner le visage de cette Syrie d’aujourd’hui, de cette Syrie en guerre, à travers des témoignages féminins avec photos et textes.

« Vu bien des villes défoncées, déglinguées, démolies par les mortiers, ouvertes en leur milieu, béantes… J’ai marché dans ces villes en ruine après les avoir connues élégantes ou bruyantes, vivantes… debout. En voyage, je retourne toujours sur mes pas au moins une fois. Il m’est souvent arrivé de ne pas reconnaitre les rues où j’avais séjourné quelques mois ou quelques années plus tôt. Le désastre était passé par là.
Un jour, quelqu’un m’appelle : « Catherine, aux informations, ils disent que… » Je réponds : « Oui, j’ai entendu… » Cette fois c’est Homs, c’est Deraa… Je pense aux femmes. J’imagine les villes. C’est idiot mais ce pays, la SyriE, je le pense au féminin! C’est par les femmes que j’y suis entrée il y a longtemps. Ce sont elles qui m’ont guidée. Là-bas j’ai travaillé et tracé mon chemin avec elles. Des comédiennes, des intellectuelles, des marchandes, croisées dans la rue ou dans un salon, des discrètes, des arrogantes à la bouche et aux seins refaits, femmes couvertes ou découvertes, femmes dans les cafés de Damas, certaines voilées, d’autres en cheveux, d’autres encore tels des corbeaux de noir vêtues, dont un seul un oeil nous fixe, certaines laissant dépasser l’ongle d’un orteil nacré de rouge vif, signe que cet oiseau là n’est pas tant dépourvu de désir. Femmes fumant le narguilé, femmes bavardes, femmes guides, femmes actives, amoureuses, femmes clowns rigolant à gorge déployée au milieu de la chaussée. Mes amies. Aujourd’hui dans des villes en ruine.

              
Toutes les images présentées dans l’installation, je les ai reçues par le biais des réseaux sociaux, Facebook en particulier. Mes amies de Damas me les envoyaient au début de la révolution syrienne en 2011, accompagnées de textes ou de lettres. De lien en lien, de nouvelles images et de nouvelles informations, pour la plupart peu relayées par la presse occidentale, sont apparues postées par des internautes que je ne connaissais pas.

Je me suis alors attachée à lire quotidiennement les nouvelles de Syrie à partir de ces envois d’inconnus qui racontaient les histoires du désastre et qui, pour certains, dans une extrême rigueur, s’efforçaient de nous tenir au courant. Sur l’ordinateur, ces images sont en suspend. Fortes ou vulgaires elles chroniquent la destruction des villes sous les coups de Bachar El Assad. Des murs s’affaissent, des amas de pierres signent la mort. Leur afflux rend le spectacle d’autant plus irréel que les nations du monde y assistent muettes… Mais la guerre est sale, irrespectueuse, elle sent le cramé et la peau. En imprimant ces images sur papier transfert, en les plaquant à chaud à même les cadres entoilés comme autant de feuilles de bloc-notes vite griffonnées, collées, photos attachées, prises et pas soignées ; en les grattant au cutter sans laisser le temps de reposer la couleur, ces images se transforment, s’altèrent… Les violets se font plus roses, le grain de la toile gagne du terrain, des bulles d’air éclatent, les images se nécrosent… la chimie fait son œuvre jour après jour. Entre les images, des fragments de correspondance, rescapés. Aujourd’hui, de la première photo, celle du visage de Fadwa Suleiman, comédienne et résistante syrienne, à la dernière, faite de feu, le bloc notes invite à être aux côtés de ceux qui restent debout malgré les ruines. » Catherine Boskowitz

Catherine Boskowitz est metteure en scène. Elle vit dans le Morvan et à Paris, travaille en France, en Haïti, au Congo et au Moyen-Orient, voyage en Europe. A l’intérieur de ce mouvement, de ces allers et retours, elle trouve la cohérence de sa recherche et construit avec son équipe un travail de création où le théâtre occupe une place essentielle. Témoin de nombreux événements sociaux et politiques qui ont secoué la planète ces vingt dernières années, elle s’attache à tisser le lien entre Art et Société, à questionner l’époque contemporaine à partir de vecteurs pluriels tels la scène, l’image, la performance, la peinture, le son…

Entrée libre
Du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 19h


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