Cristina Branco (Le Trianon)

La voix de Cristina Branco est une voix nomade. Dès qu’elle sent que les choses deviennent trop confortables, elle part à la recherche d’un nouvel ancrage, d’une nouvelle peau.

L’inconfort semble presque un refrain dans la carrière de la chanteuse portugaise de fado ; Cristina Branco ne le recherche pas, mais le retrouve invariablement. Il lui pose des questions nécessitant de sa part une réponse immédiate au nom de sa curiosité, de son impatience à découvrir la vérité, car elle veut en tester les limites à chaque chapitre qu’elle ajoute à sa discographie déjà longue.

Dans ce nouveau disque, né d’une conversation avec Gonçalo M. Tavares, Cristina Branco a voulu revêtir la peau de douze personnages : elle ajuste son être individuel au social, utilise la musique comme un bouclier et comme une arme, célèbre l’héroïsme des anonymes, recherche des réponses pour les temps troubles que nous traversons. Ces personnages sont les voisins d’à côté, ceux qui habitent dans notre maison et nos pensées. Ce sont nous : douze personnages auxquels nous pouvons continuellement nous identifier […].

En résumé, c’est quasiment un traité sur la condition humaine et ses limites. Ce n’est pas un disque sur l’espérance, mais il ne récuse pas sa possibilité. C’est un disque qui cherche la vérité pour qu’elle soit le commencement d’une voie qui puisse éventuellement mener à une issue, tel un tremplin vers un lieu meilleur. C’est un disque pour regarder la vérité dans les yeux et lui dire que nous devons apprendre à vivre ensemble ; c’est un témoignage de l’importance de la parole en tant que dépositaire d’une telle vérité. En douze portraits, Alegria ne fait que mettre la vie des gens en perspective au travers de la poésie ; comme un miroir dont il est impossible de détourner le regard sous peine de renoncer à notre propre identité.