White Building

/ Cinéma

Samnang, 20 ans, habite dans un immeuble historique de Phnom Penh. Le départ de son meilleur ami, la maladie de son père et la démolition imminente du bâtiment vont le faire grandir.

 

Kavich Neang répond à quelques questions pour Les Films du Losange :

Quelle est l’histoire du White Building de Phnom Penh ?

« Le White Building était une barre d’immeuble conçue par l’architecte cambodgien Lu Ban Hap et le franco-ukrainien Vladimir Bodiansky en 1963, suivant un plan d’urbanisme du modernisateur Vann Molyvann, à l’époque du roi Sihanouk. Cette résidence d’état, située en plein cœur de la ville, était destinée aux fonctionnaires du ministère de la Culture. Elle a été vidée de ses habitants pendant le régime des Khmers Rouges. Puis dans les années 1980, la population s’y est réinstallée, comme mon père, sculpteur. L’immeuble mal entretenu a vieilli, et au tournant des années 2000, il a commencé à avoir mauvaise réputation en raison de l’arrivée de drogués et de prostituées. Moi, j’ai grandi avec eux, c’étaient mes voisins. Cela faisait des années qu’on entendait des rumeurs de démolition. Et en 2014, on a appris que le gouvernement projetait de détruire le White Building pour développer la zone, en vendant le terrain à prix d’or à une compagnie japonaise. Ils ont proposé aux propriétaires une compensation financière, ce qui n’est pas souvent le cas dans les conflits fonciers, ou que des résidents soient relogés dans le nouveau gratte-ciel prévu en lieu et place, mais les habitants ont préféré prendre l’argent et partir. Le départ était déchirant, nous y étions tous très attachés, mais nous n’avions pas le choix… Le “Building” comme on l’appelait, a été détruit en 2017. Et en 2019, l’information a circulé que le terrain avait finalement été racheté par une compagnie hongkongaise qui veut y construire un casino… »

 

Quels changements modèlent Phnom Penh ?

« La ville est en transformation, de vieux immeubles disparaissent, des pans de notre passé, tandis que des condominiums, des centres commerciaux, et des magasins modernes climatisés poussent partout… Je remarque aussi la présence chinoise croissante. Mais je dirais que c’est surtout le rythme de la ville qui a changé. Les habitants sont plus stressés, il y a moins de place pour la langueur, mais ils restent les mêmes, la mentalité ne change pas. Je me considère comme un témoin de ces changements, liés en partie à la mondialisation. Aujourd’hui tout est plus rapide grâce aux nouvelles technologies. C’est une période intéressante pour un cinéaste ; documenter ces mutations, en faire partie, permet de créer du savoir et de la mémoire pour les générations futures. »

 

Production : Cambodge / France / Chine / Qatar

Durée : 1h30

 

 

>>> Quelques critiques

Transfuge : « Ce film recèle autant de beauté vénéneuse que de force politique, autant de sève juvénile que de mélancolie adulte. »

Le Monde : « La subtilité du scénario réside dans le léger décalage produit par l’engagement du fils, Samnang, constitutif d’un moteur de résistance. »

Les Inrocks : « La force du film est de restituer ce bâtiment bientôt effacé de la carte comme une expérience intime mais aussi universelle, à la fois image réminiscente qui hante la mémoire de son auteur et métaphore puissante de toutes les dépossessions esthétiques et culturelles qu’engendrent les acteurs néolibéraux d’aujourd’hui. »

Positif : « Puisque le cinéaste-scénariste, fils d’un artiste, a grandi dans l’équivalent d’un monument historique, on sent dans le portrait de son protagoniste, animé par le souvenir, un sentiment authentique (il avoue que Samnang est son double). Une émotion d’autant plus admirable qu’elle est canalisée avec sobriété dans la beauté et le plaisir de la créativité musicale, chorégraphique et filmique. »

 

>>> Les séances

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