Pays Rêvé

/ Cinéma


Évènement passé

Sortie dans les salles françaises le 31 octobre 2012 – France – 1h25

Dans le Liban d’aujourd’hui, des Libanais de l’étranger, enfants de la guerre, se mettent en quête d’un « pays rêvé ». Un dramaturge, un réalisateur, une danseuse et une journaliste…

Un territoire intérieur, fondateur et inaccessible comme l’enfance. Entre douceur et massacre, chacun tente de se ressaisir de ce qui le construit. Pour conquérir la liberté de réinventer son identité.

La réalisatrice, Jihane Chouaib est née à Beyrouth, juste avant le début de la guerre civile. Elle passe son enfance au Mexique. A l’adolescence, elle arrive en France, où elle étudie la philosophie et le théâtre. Elle réalise plusieurs court-métrages parmi lesquels le très remarqué Sous mon lit.

« J’avais trois ans lorsque j’ai quitté le Liban. J’ai un parcours d’exil, d’émigration, sur plusieurs pays. Alors, d’aussi loin que je me souvienne, je suis obligée de me demander qui je suis, de quoi je suis faite. Je suis tenue de questionner mon identité. Je ne veux pas – et ne peux pas – me définir comme faisant partie d’une communauté : Libanaise, ou Française, ou Mexicaine… Pourtant, quelque part au fond de moi, il y a un lieu que je rêve et que j’appelle : “Liban, mon pays”.

Que reste-t-il de l’origine lorsqu’on a vécu toute sa vie ailleurs – dans un autre pays, dans une autre langue ? Comment retourner dans un pays qui a changé en notre absence ? (ou qui n’est pas ce que la famille nous en avait raconté ?) Et lorsque l’on se sent étranger même dans son pays d’origine, peut-on encore s’en réclamer ? En sillonnant le Liban avec d’autres exilés en quête de leurs origines, je tente de me ressaisir de nos « pays rêvés », nos territoires intérieurs, nos sensations enfouies, les mythes qui nous fondent. Je cherche à comprendre comment nous nous construisons une identité, comment nous l’imaginons, et comment, peut-être, nous allons jusqu’à la ré-inventer.  »

> Nous avons hâte d’entendre Wajdi Mouawad, qui fait revenir sans cesse dans ses créations les questions d’identité et de quête des origines ! Il est passé de Beyrouth à Paris puis à Montréal avant de devenir intégralement nomade. Wajdi est l’un des dramaturges les plus importants de sa génération, ses pièces sont jouées dans le monde entier. Il est celui qui a donné une voix, des mots, un corps agissant, à toute la génération errante et muette des exilés de la guerre civile libanaise. Il dit de notre enfance qu’elle est « comme un couteau planté dans la gorge ». Cette fracture intime devient universelle, convoquant tout simplement la difficulté de grandir, d’être soi et de se situer dans le monde.

> Nada Chouaib est la sœur de la réalisatrice. Elle a vécu au Mexique, en France, au Gabon, en Italie. Danseuse orientale, elle s’exprime plus par le corps que par les mots. Adolescente et chanteuse punk en banlieue parisienne, elle ne se sentait pas du tout libanaise. Apprendre à danser a été sa voie pour redécouvrir ses racines, tranchées dans sa petite enfance, lorsqu’elle a quitté le Liban, changé son prénom et perdu sa langue.
« Quand ma sœur Jihane m’a proposé de l’accompagner au Liban pour son film Pays Rêvé, je croyais connaître déjà bien le pays et y avoir trouvé ma place. Depuis la fin de la guerre, j’y revenais régulièrement et j’avais appris à naviguer maladroitement dans son doux chaos.J’acceptais d’être une étrangère dans mon propre pays. Durant le tournage, nous sommes allées au Liban Sud, dans le village de ma grand-mère. Sur la colline pelée, un arbre seul nous attendait. C’était un arbre à moitié déraciné, son tronc tortueux prenait mille détours pour s’élever vers le ciel. Mais il portait au bout des branches quelques tout petits fruits. Depuis 3, 4 générations, sans doute plus, nous avions émigré, en Afrique, en Europe, en Amérique, et puis nous étions revenus, et repartis, toujours liés à notre terre par un fil invisible. Le pays change à une vitesse folle, mais nous sommes toujours là, à moitié déracinés, cherchant notre chemin parmi les mille détours de la vie. »

> Pour Patric Chiha, le Liban est un monde lointain et légendaire, tissé de ses fantasmes d’adolescent. Une fiction racontée dans un HLM viennois par une grand-mère tchèque, ancienne danseuse au Casino du Liban, amoureuse d’un « prince » libanais dans le Beyrouth mythique des années 50 et 60. Aujourd’hui, en repérages pour un film qu’il tournera sur place, il se confronte à une toute autre réalité.
« Mes deux pays d’origine, le Liban et l’Autriche, occupent une place importante dans tous mes films. Comme si le gouffre abyssal qui sépare ces deux petits pays me permettait d’en inventer un troisième, celui de la fiction. En même temps, il y a quelque chose qui les unit : les montagnes. Elles se ressemblent, il y a des pins, des routes en serpentine, des vallées, des stations de skis fermées l’été et des chalets en bois intacts. Et personne ne bombarde les montagnes. Elles sont là, comme d’immenses témoins muets, tristes, mais debout. »

> Katia Jarjoura est née au Canada l’année du déclenchement de la guerre du Liban. Elle a grandi au Canada, a travaillé dans le Moyen-Orient, s’est posée un temps au Liban puis s’est finalement installée à Paris. Très jeune, elle est devenue reporter et a couvert les pires conflits, de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par la Palestine. Comme pour y vivre les échos de l’horreur à laquelle elle a échappé. Comme pour expier. Jusqu’à cette blessure par balle, qui l’a ancrée au Liban et lui a donné le droit de se dire Libanaise. Elle a réalisé plusieurs documentaires et fictions.
« Au début, ce fut la guerre. Celle que je n’avais pas encore connue mais que je portais déjà en moi, une ligne brisée dans les paumes de la main, un travers héréditaire, une seconde nature, enfouie, qui ne pouvait plus résister aux cris des sirènes. Puis, très vite, il y a eu l’addiction. Cette avidité de tout voir, de tout savoir, de s’approprier le goût du risque, l’odeur du sang – le Pays rêvé qui devient réel, trop réel – Et qui injecte sa part d’ombre comme un vampire, sa morsure. «Si tu avais grandi sous les bombes, tu aurais pris les armes, » me disait un jour un ancien milicien. Avec qui? Pourquoi? De quel côté? La guerre, une identité inachevée. Des slogans sur les murs, des armes comme alliées, des cicatrices sur ma peau. J’ai longtemps cru que ce Liban, pour me l’approprier, il fallait d’abord le souffrir, le pleurer. Dans ses ruines et ses lignes de front, j’ai voulu y voir ma propre histoire. Et j’ai creusé, creusé, creusé…Quand Jihane a fait tourner sa caméra, j’émergeais à peine des décombres. Le Liban me renvoyait ses plaies à la figure et se moquait de ma quête. Il avait désormais sa guerre, j’avais la mienne…Mais mon destin lui était, à jamais, dédié. »

>>> Quelques critiques:

Première: « Être né au Liban et en être parti depuis l’enfance ou y avoir ses racines sans connaître le pays… C’est ce que racontent quatre quadragénaires – un dramaturge, un réalisateur, une
danseuse et une journaliste –, dispersés dans le monde entier. Leur Liban est synonyme de guerre, de chagrin, d’exotisme ou de kitsch. À leurs témoignages s’ajoute celui de la documentariste, cachée derrière sa caméra mais dont la voix off distille des impressions en une écriture subtile. Ce portrait éclaté d’une génération a des accents bouleversants. »

Studio Ciné Live: « Ce doc qui parle de racines et d’identité, raconte sous ces angles individuels, ce pays traumatisé par des conflits à répétition. Certains récits sont parfois redondants et en diminuent l’impact. Mais quand Wajdi Mouawad parle, la grâce envahit l’écran. »

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