Orimita (Théâtre de la Bastille)

/ Arts Vivants

Évènement passé

Adapté d’un livre de Janine Matillon, Les deux fins d’Orimita Karabegovic, sous forme d’opéra, la pièce lyrique de Claire Renard raconte l’histoire d’une femme prise dans la tourmente d’une guerre de purification ethnique, Orimita, est enfermée dans un camp, sélectionnée comme objet d’expérimentation du fait de sa culture, et violée tous les jours. Elle s’en échappe et devient meurtrière a son tour.

A partir de cette trame tragique, Claire Renard propose une forme lyrique contemporaine qui, par la voix d’une comédienne et celle d’une chanteuse mezzo-soprano, fait dialoguer culture et barbarie et traduit le progressif dédoublement d’Orimita. Accompagnées d’un joueur de lyra crétoise, d’une violiste et d’une bande électroacoustique, mêlant ainsi instruments issus de la tradition orale et écrite et outils numériques, plonge le spectateur dans l’intimité du personnage, puis l’entraîne dans un espace où les repères spatio-temporels se brouillent, interrogeant notre rapport à la violence dans un monde de plus en plus technologique et déshumanisé.

https://www.youtube.com/watch?v=ot-7oBtrX8Y

Composition musicale et direction artistique : Claire Renard – texte : Janine Matillon – metteur en scène et scénographe : Gustavo Frigerio – vidéo : Emilie Aussel
Avec : Delphine Rudasigwa (comédienne), Isabel Soccoja (mezzo-soprano), Emmanuelle Guigues (viole de gambe), Stelios Petrakis (lyra)

 

Entretien avec Claire Renard :

Claire Renard, compositrice contemporaine formée à l’école de Pierre Schaeffer, aime se frotter à d’autres matières, d’autres expériences, d’autres disciplines. Orimita, adaptée d’un livre de Janine Matillon, Les deux fins d’Orimita Karabegovic qui retrace le parcours d’une femme internée dans un camp d’ensemencement et violée tous les jours avant de s’échapper pour trouver une autre horreur à l’extérieur, mélange donc composition, improvisations, voix, théâtre et images vidéos.

Laure Dautzenberg : Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter Orimita ?

Claire Renard : Quand j’ai lu le livre de Janine Matillon, il y a dix ans, je l’ai trouvé extraordinaire. J’ai aussitôt eu envie d’en faire un opéra et je l’ai contactée. Elle avait refusé de céder ses droits pour un film parce qu’elle ne voulait pas d’une adaptation réaliste, mais l’idée d’un opéra la séduisait. Puis je suis partie sur d’autres créations. Il y a cinq ans, je me suis vraiment penchée dessus. L’opéra à proprement parler ne me paraissait plus la forme la mieux adaptée. Je voulais quelque chose de plus simple et je désirais jouer avec les moyens technologiques qui correspondent à la société dans laquelle nous vivons et à l’histoire de cette femme, qui souffre dans sa chair et son esprit et qui est confrontée à une omniprésence de sons et d’images médiatiques qui transforment tout en « distraction ». L’enjeu permanent est l’extrême souffrance de quelqu’un et l’indifférence totale qui l’entoure. J’en ai reparlé avec Janine Matillon qui a accepté d’adapter elle-même son propre texte, d’en faire un récit. On a gommé la référence explicite à la guerre en ex-Yougoslavie. C’est en effet à la fois une histoire qui peut s’ancrer dans une actualité tout en étant malheureusement de tous les temps.



Laure Dautzenberg :
Sur scène, vous assemblez un certain nombre de matières : il y a une chanteuse lyrique, une comédienne, deux musiciens, une bande sonore, de la vidéo… Pourquoi ce mélange ?

Claire Renard :
Je vis au XXIe siècle. Ma composition est donc liée à l’époque dans laquelle je vis, aux moyens qu’elle donne et à ce que je veux dire. C’est l’histoire d’une femme qui se dédouble, qui se regarde agir en permanence, qui se fait rattraper par la violence sans jamais cesser de se demander comment elle en est arrivée là. Il me semblait donc important qu’elles soient deux sur scène pour l’incarner. La comédienne raconte, la mezzo-soprano chante de façon très lyrique ou au contraire à la manière d’une plainte, comme un rappel du chœur antique ou du chœur des pleureuses, qui représente alors toutes les autres femmes. Quant à la musique, c’était très important pour moi de me confronter à des cultures différentes dans cette pièce où l’une des thématiques est le rejet de la culture de l’autre. Comme préalable, j’ai donc fait des improvisations avec des musiciens crétois, jordaniens, arméniens et c’est à partir de ces enregistrements que j’ai conçu ma composition qui mixe beaucoup de sources sonores. Les deux musiciens présents sur scène, une violiste de gambe, incarnation de l’essence de la culture occidentale et un joueur de lyre crétoise, qui représente une musique traditionnelle venue d’ailleurs, improvisent à partir de cette bande. Enfin, pour la vidéo, nous avons finalement choisi de ne pas montrer de scènes de violence mais au contraire des scènes de nature qui suivent le déroulement des saisons, comme un contrepoint, comme une échappée poétique. J’ai toujours cherché à lier l’espace et la mémoire par la composition, le travail sur l’écho, les retours, les résonances. On est lié à tout ce qui s’est passé avant.


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