Dans le nu de la vie (Jean Hatzfeld)

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Au cours de longs séjours dans une bourgade du Rwanda, Jean Hatzfeld a tissé des liens de confiance avec des rescapés Tutsis du génocide et les a convaincu de sortir de leur silence. Une lecture indispensable…

Dans un langage simple, parfois poétique ou philosophique, ils ont accepté de raconter ce qu’ils ont vécus. Ces récis d’enfants, de femmes et d’hommes sont saisissants. Dans leur singularité, ils atteignent, à force d’authenticité, une portée universelle. On ne les oublie plus.

Dans les collines de Kibungo, N’Tarama et Kanzenze, entre le 11 avril et le 14 mai 1994, environ 50 000 Tutsis, sur une population d’environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semain, de 9h30 à 16h, par des miliciens et voisins Hutus.

« On mourait coupés à la machette comme des chèvres au marché. On ressemblait à des animaux, puisqu’on ne ressemblait plus aux humains qu’on était auparavant, et eux, ils avaient pris l’habitude de nous voir comme des animaux. Ils nous traquaient comme ça. En vérité, ce sont eux qui étaient devenus des animaux. Ils avaient enlevés l’humanité aux Tutsis pour les tuer plus à l’aise, mais ils étaient devenus pire que des animaux de la brousse, parce qu’ils ne savaient plus pourquoi ils tuaient et qu’ils le faisaient avec des manies. Un interahmwe, quand il attrapait une Tutsie enceinte, il commençait par lui percer le ventre à l’aide d’une lame. Même la hyène tachetée n’imagine pas ce genre de vice »

« Parfois, sur la colline, on regardait les Hutus qui festoyaient à Nyamata, comme lors des mariages. Et on arrivait à se dire à haute voix: « s’ils nous laissaient vivre ici comme des animaux, jusqu’à la fin de la vie, sans toutefois nous tuer, ce serait très acceptable. Qu’ils prennent nos maisons, qu’ils tuent nos vaches, ce n’est rien. Qu’ils arrêtent de nous tuer, ça va. » « 

« Une heure plus tard, des pilleurs sont entrés et m’ont surprise dans la maison. Ils se préparaient à me découper sur le champs, mais l’un d’eux, qui répondait au prénom de Callixte, m’a protégée de ses collègues. Il portait un fusil, il était le chef. Il m’a emmenée pour femme parce qu’il n’en avait plus. Chez lui, j’entendais dire à travers les portes que les programmes de tueries étaient en bonne voie dans toutes les préfectures et qu’il ne resterait plus un enfant Tutsi debout à la saison sèche. »

Prix France Culture 2000

A lire également, Une saison de machettes, dans lequel Jean Hatzfeld fait parler les acteurs hutus du génocide.

Né à Madagascar en 1949, Jean Hatzfeld, journaliste, a parcouru durant plus de vingt ans des régions en guerre, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique.


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