Hannah Darabi – Rue Enghelab, la révolution par les livres, Iran 1979-1983

(Le Bal)


/ Expositions

Évènement passé

1979 > 2019, ce sont les 40 ans de la révolution iranienne. La fin du régime du Shah et les débuts du gouvernement islamique.

A cette occasion, Le Bal présente le projet de l’artiste Hannah Darabi autour de sa collection de livres photographiques et politiques.

Publiés en Iran entre 1979 et 1983, courte période de relative liberté d’expression, ces livres témoignent d’une ébullition politique intense et du vent nouveau soufflant sur la photographie iranienne. Cette période, fondamentale pour comprendre l’histoire de ce pays au 21e siècle, est décryptée par Chowra Makaremi, anthropologue et chercheuse au CNRS.

Afin de proposer une autre lecture de cette collection, Hannah Darabi fera, dans un travail personnel intitulé Reconstructions, dialoguer ses livres avec des photographies contemporaines de sa ville natale, Téhéran, et d’images vernaculaires telles que photos de famille, images des médias ou cartes postales.

 

« LE TITRE RUE ENGHELAB RENVOIE À CETTE RUE DE TÉHÉRAN QUI CONCENTRE UN NOMBRE IMPORTANT DE LIBRAIRIES ET DE MAISONS D’ÉDITION. LE MOT « ENGHELAB », QUI EN PERSAN SIGNIFIE « RÉVOLUTION », FUT CHOISI POUR DÉSIGNER CETTE RUE PEU APRÈS LES ÉVÉNEMENTS DE 1979 » — HANNAH DARABI

 

 

UNE HISTOIRE POLITIQUE DES LIVRES

La période de tumultes mais aussi de fragilité du pouvoir, comprise entre la fin du règne du shah, en 1977, et la solidification de l’État post révolutionnaire en 1983, offre dans l’histoire contemporaine iranienne un contexte unique de liberté dans la production et la diffusion des livres. En des temps où les technologies audiovisuelles n’ont en rien la souplesse, la facilité d’usage et de diffusion d’aujourd’hui, ces ouvrages vont devenir des acteurs majeurs de la scène politique et sociale. Cette période à cheval entre deux régimes nous invite à regarder la société iranienne en nous affranchissant de la césure nette de la révolution qui marque l’histoire de ce pays.

Loin des lectures a posteriori de l’histoire, ce moment d’incertitude, où tout perd de son évidence (la chute prochaine du Shah, la nature de la République islamique à venir), est un laboratoire où s’expérimentent de nouvelles façons d’articuler activités artistique, intellectuelle et politique. Cette activité foisonnante et anarchique brise toutes les règles éditoriales et riposte à la censure en même temps qu’elle rend matériellement palpable le climat politique étouffant par l’amateurisme et le bricolage auxquels elle accule les opposants.

La boulimie de lecture atteste du mouvement double et parfois ambivalent qui anime une génération : le désir d’ouverture au monde extérieur et le désir d’affirmer une identité iranienne « moderne » indépendante des impérialismes. Ces quelques années occupent une place à part dans l’histoire éditoriale du pays. Jamais le livre ne fut et ne sera aussi libre que durant cette période. Et pourtant, au même moment, le livre devient peu à peu un instrument de propagande politique, et l’édition le laboratoire où s’expérimentent toutes les formes de diffusion d’émotions, d’idéologies et d’opinions. Après la révolution, la propagande du nouveau régime accorde une place plus importante que jamais à l’iconographie. L’image, omniprésente, en couleur, devient le fer de lance de la construction idéologique.  — Chowra Makaremi


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